Voilà un article que j’ai lu dans Parapente Mag N° 181.
Je le trouve très pertinent et à méditer pendant les longues soirées d’hiver, avant l’arrivée du printemps…

PMag.

Ces dernières années ont été marquées par une avalanche de performances mais aussi par des accidents…

 A.Paux. (Concepteur MCC-Aviation et Sky Paragliders)

J’ai longtemps pensé que la cause était à rechercher dans les nouveaux modèles mis sur le marché. Mais après avoir volé plusieurs de ces modèles, je constate que la sécurité du matériel a plutôt progressé. La cause principale est donc ailleurs. Le vol de site pendant lequel le pilote reste « au vent » est évidemment plus sûr. Le vol rando est déjà plus difficile, il faut être capable d’une bonne lecture du terrain et de l’aérologie et c’est un long apprentissage. Quant au vol de distance, c’est une discipline très difficile, il ne faut surtout pas l’oublier. Les conditions doivent être réévaluées en continu et le relief alpin est très exigeant.

À partir de quand un pilote peut-il commencer à fréquenter des conditions fortement thermiques ?

Là, on met le doigt sur l’une des principales causes de l’augmentation des accidents. De par leurs performances et leur stabilité, les nouveaux modèles rendent le vol de distance envisageable pour de nombreux pilotes mais la sécurité passive de ces machines, et leur performance, ne peuvent pallier le manque d’expérience et d’aptitude à évaluer l’aérologie et à lire le terrain. Il y a quelques années, on préconisait de ne pas voler l’après-midi, en milieu alpin ; en particulier au printemps et en été. Aujourd’hui de nombreux pilotes de niveau moyen décollent précisément dans ces conditions ! On peut voler en conditions musclées mais seulement à partir du moment où l’on sait gérer une fermeture des trois-quarts de l’aile quelques secondes après le décollage sinon c’est qu’on a perdu goût à la vie!

 

Les technologies Shark nose, joncs, suspentages élagués, etc… offrent plus de perfo. Au détriment de la sécurité ?

La technologie consiste bien souvent à ressortir des cartons des idées abandonnées il y a 20 ou 30 ans…. notamment pour des raisons de sécurité. Ceci dit, des idées qui ont échoué par le passé peuvent parfois fonctionner avec les connaissances actuelles. Le shark nose est un vrai « plus » sur des voiles de compétition. En revanche, sur les parapentes « tout public » A, B… il n’a qu’un intérêt très limité. D’ailleurs il s’est très réduit : Le shark nose 2018 n’a plus grand-chose à voir avec ce que l’on pouvait voir il y a 3 ou 4 ans, au plus fort du phénomène. Même remarque concernant les joncs qui sont deux à quatre fois moins rigides et souvent deux fois plus courts qu’il y e quelques années. Sur de nombreux modèles actuels, ces technologies sont aujourd’hui utilisées avec beaucoup plus de mesure qu’au début.

 

L’homologation est-t-elle une bonne indication du niveau de pilotage exigé ?

L’homologation à elle seule n’a jamais été et ne sera jamais une indication du niveau de pilotage exigé pour maîtriser une aile. De nombreuses ailes B actuelles pourraient, en étant légèrement bridées, réussir une homologation A.., cela n’en ferait pas pour autant des ailes pour débutants. Il est temps que les pilotes réalisent que la performance est rarement gratuite. Maîtriser une aile plus performante requiert un niveau de pilotage plus élevé !

 

Et l’allongement, est-ce un critère déterminant ?

 Oui ! C’est un critère significatif et un excellent marqueur de l’intention du concepteur d’orienter un produit en priorité vers la performance ou au contraire de privilégier la sécurité. D’autres indicateurs sont parlants, comme le nombre de suspentes par exemple…

 

Allongement à plat ou projeté : lequel prendre en compte ?

 Que l’on parle d’allongement à plat ou projeté, il convient de définir la méthode de mesure. Pour l’allongement à plat par exemple, certains fabricants indiquent la mesure « à la corde », alors que d’autres se référent à « la mesure à l’intrados » de la voilure posée à plat. L’allongement annoncé peut ainsi varier. Prenions l’exemple d’une voile C avec un allongement proche de 6. Le constructeur qui souhaite mettre l’accent sur la sécurité pourra choisir la mesure de l’allongement à l’intrados el annoncer 5.95 ; celui qui veut mettre en avant la performance choisira peut être t’allongement de 6,1 mesuré à la corde !

 

La généralisation des cocons entraine-t-elle réellement plus d’exigence ?

 Quand chaque pilote a déjà une sellette, il faut bien lui vendre autre chose ! Je plaisante. Dans de nombreux cas, l’utilisation d’un cocon ne se justifie absolument pas. Il suffit de regarder le nombre de pilotes qui font l’essuie-glace avec leur speed-bag : ils seraient mieux inspirés en revenant à une sellette classique. Une sellette cocon ajoute de la complexité, notamment juste après le décollage et juste avant l’atterrissage, Les deux phases Les plus critiques du vol. Le cocon augmente Le moment d’inertie du pilote lorsque la voile part en rotation suite à une fermeture, entrainant un risque de twist. J’ajoute que la gestion « à l’aveugle » de l’accélérateur a aussi causé des accidents. Peut-être devrions-nous nous demander ; suis-je sûr d’avoir besoin d’un cocon ? Si c’est juste parce que les autres ont un cocon. Ce n’est peut-être pas la bonne solution !

 

L’effet reflex a fait l’objet de bien des discussions, quel est ton point de vue ?

 L’effet reflex n’existe pas sur une voilure de parapente (le reflex sur une aile volante nécessite une rigidité de la forme réflexe du profil). Ce que l’on peut dire, peut-être, c’est que dans la turbulence, on freine souvent trop et que cela a pour effet de casser la vitesse, donc la sécurité. Dans bien des situations, le fait d’être bras hauts sera toujours bien plus sûr que de sur-piloter et ce sera peut-être même salvateur. Mais il est quand même nettement préférable de rester au contact avec la voile le poids des mains sur les commandes…. à condition de ne pas avoir la main Lourde !

 

L’allègement des voiles va-t-il dans le sens de la sécurité ?

 Un allégement raisonnable va incontestablement dans le bon sens ; une voile légère a moins d’inertie et moins de rigidité, si bien qu’une abattée, par exemple, sera moins profonde qu’avec une voile équivalente mais construite avec des tissus plus lourds. D’ailleurs, une voilure légère obtient presque toujours des résultats plus probants en tests d’homologation. Ceci dit, il ne faut pas aller trop loin : une recherche extrême de légèreté peut pousser à jouer avec la limite de la résistance structurelle. Il est agréable d’avoir quelques cheveux sur la tête, mais avoir des cheveux à la place des suspentes de freins ne facilite pas toujours la vie !

 

Verrons-nous un jour une voile qui peut descendre à la fois vite et facilement ?

 NON ! Non parce que même en réduisant la surface de 80%, le taux de chute ne va guère dépasser les 5 m/s. Non, parce que, pour faire chuter une aile rapidement, il faut soit l’empêcher de voler (sortie du domaine de vol) soit l’amener dans une configuration relativement extrême (spirale par exemple).

 

Et le parachute anti-G ?

 Pour moi, c’est juste un « machin » de plus, un peu dérisoire. Avec une voile tout public, on doit pouvoir atteindre le même résultat en travaillant un peu sa technique de pilotage. Pour rappel…

  • Taux de chute maximum autorisé pour un parachute de se cours 5,5 m/s
  • Descente rapide oreilles et accélérateur : 3 à 4 m/s
  • Descente rapide aux B (décrochage aux B) : 8 m/s,
  • Spirale bien maîtrisée, fermeture de 50% el spirale du côté opposé.> 20 m/s
  • Ascendance dans un cumulo-nimbus plus de 40 m/s !

À quoi un pilote souhaitant progresser en sécurité doit-il être attentif dans le choix de son matériel ?

 Chaque pilote devrait choisir un parapente deux fois plus facile à piloter que celui qu’il s’estime en mesure de maîtriser : De cette manière il pourra être à peu près à niveau quand il devra affronter des conditions deux fois pires que celles qu’il avait anticipées ! Un bon pilote peut faire 200 km avec une aiLe de sortie d’école alors qu’un mauvais pilote ne réussira pas à faire 30 km avec une voile de catégorie C. Pierre Bouilloux faisait des triangles de 120 km avec une voile qui n’avait guère plus de 7 de finesse, assis sur une planchette d’ à peine 20 centimètres. II y a bien plus à gagner à travers la formation à un meilleur pilotage et à une meilleure compréhension de l’aérologie qu’à travers du matériel plus performant ■