Que feriez-vous si vous vous crashiez dans un accident de parapente ?
21 avril, 2025, par Andrew Craig
Recommenceriez-vous à voler au plus vite ? Abandonneriez-vous ? Ou reviendriez-vous prudemment et avec hésitation ? Andrew Craig a décidé de prendre cette question à bras-le-corps et de chercher une réponse.
J’ai eu de la chance ; j’ai piloté des parapentes pendant 24 ans sans me blesser gravement. Je sais que je dois remercier la chance plus que le talent : j’ai lancé mon parachute de secours, atterri sous le vent, été projeté dans des buissons et heurté une clôture en fil de fer barbelé. Mais je n’ai jamais eu que des égratignures et des bleus.
Beaucoup de mes amis et connaissances ont eu moins de chance. Des dieux du ciel aux guerriers du week-end, ils ont dû composer avec des séjours à l’hôpital, des opérations et une longue convalescence. J’ai décidé d’interroger quelques-uns d’entre eux sur leur décision de recommencer à voler pour savoir ce qui les a motivés.
Tom de Dorlodot est au sommet de notre sport : un pilote professionnel dont les aventures incluent la représentation de la Belgique au Red Bull X-Alps à de nombreuses reprises. Il se remet actuellement d’un accident de snowkite, mais en 2015, il s’est fracturé le dos lors d’un voyage parapente autour de la mer Adriatique. Alors qu’il atterrissait en Croatie, son aile s’est fermée dans des turbulences. Il se souvient parfaitement de l’incident, même s’il n’a duré que quelques secondes.
« J’ai percuté un arbre et j’étais paralysé pendant les premières minutes. J’ai un ami qui a eu un accident qui l’a paralysé et il est maintenant en fauteuil roulant. Je me suis dit : « Bon, c’est fini. C’est mon tour. »
Tom souffrait de graves fractures à la colonne vertébrale et aux jambes, mais il dit : « Honnêtement, je n’ai jamais pensé à ne plus voler. Et je ne sais pas pourquoi. Parce que mon père disait déjà à toute ma famille : « Ça y est. Il va trouver un vrai travail. Maintenant, il va arrêter, vous savez. » Il l’a annoncé à tout le monde. Mais moi, je ne l’ai jamais envisagé. »
« Voler, c’est ma vie. C’est ce que je fais. Et c’est qui je suis. Le parapente est mon sport, et je n’ai jamais imaginé ne pas y retourner, vraiment. Je ne dirais pas que ça fait partie du jeu, parce que nous voulons tous l’éviter, mais nous savons qu’il y a un risque, et je suis personnellement prêt à le prendre. » Pendant six semaines, Tom est resté quasiment immobile à l’hôpital. « Tout a pris du temps, mais en réalité, tout s’est passé très vite. En tant qu’athlètes professionnels, nous sommes en forme et notre corps récupère plus vite. C’est ce que m’ont dit les médecins. Je ne fume pas. Je ne bois pas beaucoup, donc ça aide vraiment à récupérer vite. » Et en fait, alors qu’ils disaient que ça allait prendre six mois, je crois que deux mois plus tard, je courais.
Ce qui m’a vraiment frappé lors de mon accident, c’est que je pensais que ce n’était que mon problème. Mais on se rend vite compte que ce n’est pas seulement le nôtre, que c’est le problème de tout le monde. De sa famille, de ses amis proches. Tout le monde est impliqué, on influence la vie de tout le monde.
Tom estime que son accident a contribué à rendre ses vols ultérieurs un peu plus sûrs. « Je pense que la bonne attitude est d’abord de faire preuve d’humilité et de comprendre l’erreur que nous avons commise. Par exemple, le vent soufflait fort. J’aurais dû atterrir plus tôt. L’orage arrivait. Je l’ai vu venir, et j’ai poussé trop loin. Il faut vraiment comprendre ce qui s’est passé, pourquoi, et l’analyser. J’ai passé six semaines à l’hôpital, et avant cela, j’étais toujours un peu pressé. Je courais d’un projet à l’autre, je sautais d’une chose à l’autre. Voler ! Voler autant que possible. Et puis, tout d’un coup, on est obligé de ralentir. On est obligé de guérir, on est obligé de passer du temps à faire autre chose. On commence à lire davantage, à écouter des podcasts, à faire des choses qu’on ne ferait pas d’habitude, et surtout, on se concentre sur ses priorités. Et puis on revient de là, et je ne dis pas qu’on revient plus fort, mais c’est sûr qu’on revient plus sage. Tu sais, j’ai des enfants maintenant. Et je vole différemment. Et je suis tout à fait d’accord pour perdre une ou deux places au classement, juste en disant : « Dis donc, tu sais quoi ? Je ne vais pas voler sous un orage. »
Je lui demande : si tu étais deuxième du Red Bull X-Alps, une demi-heure derrière Chrigel, est-ce que tu adopterais encore cette attitude ? Mais Tom confirme : « Lors de la dernière course, j’étais dans le groupe de tête. Il y avait d’énormes orages tout autour. J’ai décidé d’atterrir au sommet d’une montagne et de rester assis là, et je suis resté assis là pendant cinq heures sous la pluie, mais je voyais les gars voler. À l’atterrissage, ils ont tous convenu que ce n’était pas intelligent. C’était trop dangereux. » Physiquement, les blessures de Tom n’ont pas eu d’effet durable sur ses performances en vol. Il estime être revenu plus fort et en meilleure forme. « J’avais perdu tous mes muscles, je ne pouvais plus marcher, je ne pouvais plus rien faire, alors j’ai dû me reconstruire, et j’ai pris ça très au sérieux. J’ai suivi mon programme nutritionnel à la lettre. L’entraînement était intense, plus intense que d’habitude. Et mentalement, je pense que je voulais vraiment revenir en force. J’étais donc motivé et j’ai vraiment donné le meilleur de moi-même. »
Red Bull, le sponsor de Tom, possède un centre de performance pour athlètes, ce qui a contribué à sa récupération physique et mentale. « J’ai eu une consultation avec un psychologue et j’ai commencé à réfléchir aux raisons de l’accident. Et à mon rapport au risque. Quelle dose de risque sui-je prêt à prendre ? Quelle dose ai-je envie de prendre ? C’est intéressant, car les gens dépenseraient une fortune pour participer à des SIV ou des stages cross. Ils dépensent une fortune pour leur nouvelle sellette, mais ils ne dépenseraient pas 65 € pour consulter un coach mental sur la gestion des risques. »
« TU AS TAPPÉ LE SOL TRÈS FORT »
Kirsty Cameron est une autre pilote de haut niveau : elle a représenté la Grande-Bretagne aux Championnats du monde de parapente et a souvent terminé parmi les premières du championnat britannique de cross.
En 2015, Kirsty a été grièvement blessée aux Championnats du monde en Colombie. Deux ans plus tôt, elle s’était crashée lors d’une compétition au Portugal, mais s’en était tirée avec de graves contusions. Cette fois, elle a eu moins de chance. Volant avec un petit nœud qui l’empêchait d’utiliser l’accélérateur, elle a tenté d’atterrir sur une petite crête et a heurté le sol violemment.
« J’ai su que je m’étais fracturé le dos dès l’atterrissage. Mais on sait presque immédiatement qu’on n’est pas paralysé à ce moment-là, car je sentais mes pieds. J’avais l’impression de pouvoir les bouger, mais je ne voulais absolument pas bouger, car si je bougeais, c’était douloureux. » Kirsty a pu contacter par radio un collègue pilote, qui devait alerter les organisateurs, mais n’a jamais su s’il avait réussi à les joindre. Elle n’arrivait pas à atteindre son tracker Spot sur son épaule et n’avait aucun signal sur son téléphone. « C’est incroyable ! J’ai réussi à me défaire de ma sellette et j’ai littéralement rampé sur les coudes jusqu’à la crête pour voir si je pouvais avoir du réseau, et il y en avait. »
Ayant souscrit une assurance locale « C’est les 20 $ les mieux dépensés de ma vie », Kirsty a été transférée de l’hôpital public où elle avait été soignée à une clinique privée. Là, un médecin a constaté que sa fracture était instable. Elle a subi une intervention chirurgicale pour insérer une prothèse métallique, qui est restée en place.
Tout au long de son épreuve, elle était certaine de pouvoir voler à nouveau. J’ai envisagé de me retirer des compétitions, mais je pensais vraiment que si j’en étais capable, je revolerais et on verrait bien. D’autres personnes ont des accidents graves comme celui-là et se disent : « C’est fini, je ne recommencerai pas, je passerai à autre chose. » Je n’avais pas ce sentiment. Je voulais continuer à voler si je le pouvais. Et après l’opération et la convalescence, il était évident que j’allais être en assez bonne santé pour le faire. »
Plus tard cette année-là, Kirsty a participé au British Open à Saint-André, en France, avec une voile EN-C, plutôt qu’avec sa voile CCC habituelle. Elle dit que l’accident ne lui a rien révélé des risques du parapente qu’elle ne connaissait déjà, mais la douleur et les désagréments les ont mis en évidence. « Ce qui me reste en mémoire, c’est que quand on touche le sol très violemment, c’est assez révoltant. On réalise qu’on n’est que des os et de l’eau. Et le sol est incroyablement dur. Et je pense qu’en parapente, 99 % du temps, on flotte. Ce n’est pas un sport physique dans ce sens-là. Pas comme la boxe, n’est-ce pas ? Où l’on reçoit des coups. Mais pour moi, l’amour de ce sport était trop grand à ce moment-là pour dire – ça suffit, j’arrête -.»
Depuis l’accident, Kirsty et sa compagne Emma ont eu un enfant, Noah. Quand il était bébé, ils sont tous allés à Saint-André pour le championnat britannique – et aux commandes de son Enzo (CCC), Kirsty a fait secours dans des conditions difficiles et a atterri sans encombre.
« Ca m’a probablement plus marqué que les deux accidents, bizarrement. À ce moment-là, on se dit : « Zut alors, j’ai une famille. Qu’est-ce que je fais, réellement ? » Et même si j’ai volé le reste de la compétition avec succès, je n’étais pas à l’aise, même avec la Zeno (une EN-D empruntée,) le reste de la semaine. À l’atterrissage le dernier jour, je me suis dit : « Je suis contente qu’elle soit dans le sac.»
Depuis, le Covid ayant perturbé les événements, Kirsty n’a participé qu’à des compétitions occasionnelles et s’est limitée à des ailes EN-D tout en se concentrant sur le cross au Royaume-Uni. « Si vous êtes à l’aise sous une aile, vous la piloterez vraiment bien mieux que si vous êtes stressé.»
Elle partage l’avis selon lequel beaucoup d’entre nous qui n’avons pas eu d’accident sous-estiment le risque. « Je pense qu’on sous-estime la gravité de la situation, autant que sa probabilité. Oui, c’est très désagréable. » Elle souffre encore de douleurs et de raideurs au dos, surtout par temps froid, mais cela ne l’empêche pas de voler et elle est toujours déterminée à exceller dans la ligue britannique. « C’est un sport très égoïste, même le cross au Royaume-Uni, notamment pour la famille. Il faut pouvoir décoller le bon jour au Royaume-Uni. Sinon, on ne peut pas faire ces grands vols. »
Depuis que je lui ai parlé, Kirsty a participé à une expédition longue distance au Brésil, où elle a battu le record féminin britannique à trois reprises avec des vols de 300 km et 400 km.
« J’AI ARRÊTÉ EN PLS »
Richard Ford, un pilote qui était absolument sûr de son avenir dans le parapente après un accident, m’a confié : « J’ai abandonné en PLS sur la colline. »
Richard s’est crashé en 2019 à Combe Gibbet, dans le sud de l’Angleterre, souffrant de multiples fractures de la colonne vertébrale et des côtes, ainsi que d’un genou fracassé et d’une hémorragie cérébrale. Il garde néanmoins des souvenirs précis de l’incident : « Je me souviens juste du sol qui montait et j’ai pensé : Oh non ! Ça va faire mal, puis non, ça va faire un mal de chien. Et le souvenir suivant, c’est d’être en position latérale de sécurité, et le type m’a dit : “Bouge pas, mec !” et j’ai ressenti une douleur insupportable dans mon genou. »
« Je ne me souviens pas de l’impact. Je ne m’en souviens tout simplement pas. Et je pense que le cerveau est un truc incroyable pour supprimer les choses désagréables, et je crois que mon cerveau a juste disparu : “Non, j’aime pas ça. Laisse tomber. ‘» Et je me souviens d’avoir été incroyablement calme et de m’être dit : « Oh, eh bien, c’était sympa, mais je ne pense pas que je recommencerai. »
Richard était en couple au moment de son accident, et cela a joué un rôle dans sa décision : « Il y a deux raisons pour lesquelles j’ai abandonné. D’abord, ce n’est un secret pour personne que ma femme – qui était ma petite amie à l’époque – souffre d’anxiété et je ne pensais vraiment pas pouvoir la regarder en face et lui dire : « Tu te souviens de ce truc qui a failli me tuer ? Eh bien Je vais recommencer. »
« Et puis, je me souviens de l’expression de ma mère lorsqu’elle est arrivée aux urgences, et je ne veux plus jamais revoir ça. »
Richard a reçu quelques visites à l’hôpital, et certains lui ont suggéré qu’il volerait de nouveau bientôt, mais il ne considère pas que quelqu’un ait essayé de lui mettre la pression. « Non, non. J’ai dit aux gens que je n’allais pas revoler, et ils ont simplement répondu : d’accord. »
Il a complètement récupéré physiquement – à l’exception de la perte de l’odorat – et s’est remis à son autre passion sportive, le VTT. « Je me suis fixé un objectif ambitieux. J’ai décidé qu’il me fallait un objectif. J’ai donc fait le Transcambrien [un parcours VTT de 175 km]. Et c’était un peu émouvant, car je suis passé d’un état de fatigue extrême à celui où j’ai réussi à traverser le Pays de Galles à vélo. Et c’était quelque chose d’important pour moi. »
« À quel point le parapente me manque-t-il ? Pas autant que je le pensais. Il y a eu des choses étranges, en fait, parce que quand je faisais du parapente, je n’en rêvais pas. Maintenant, je rêve beaucoup de parapente, de voler. »
« JE SUIS DEVENUE BEAUCOUP PLUS PRUDENTE »
Catherine Castle a vécu une progression rapide dans sa carrière de parapentiste jusqu’en 2016, année où elle est devenue championne de Grande-Bretagne. L’année suivante, elle s’est crashée à Devil’s Dyke, dans le sud de l’Angleterre, se cassant la colonne vertébrale, le bassin, les côtes, le bras et le talon.
On lui a administré sur-le-champ un puissant analgésique, de la kétamine, et elle explique que la question de revoler ne s’est pas posée au départ. « Les premiers jours à l’hôpital ont été un peu flous, en soins intensifs, en grande partie à cause de la surdose de médicaments. Je me souviens que Garry [son partenaire, également pilote] m’avait apporté un livre, et je n’ai pas pu le lire, tellement j’étais défoncée. Ils ont pensé que j’avais peut-être des lésions cérébrales ou visuelles. Ils ont conclu que c’était juste les médicaments. Je ne pouvais tout simplement pas lire. »
Son ami Hugh Miller lui a rendu visite en lui apportant quelques exemplaires de notre magazine. Alors qu’elle les lisait, la psychologue spécialisée en stress post-traumatique de l’hôpital est venue lui parler. « Elle m’a dit : – Je voulais juste vous demander ce qui s’est passé. Je crois comprendre que c’était un accident lié à un sport – et elle a fait très attention. Elle n’a pas utilisé le mot parapente. J’ai dit : Oui, je faisais du parapente. – Ah oui, – a-t-elle dit. Ça vous dérange si j’utilise ce mot ? Est-ce que ça vous fait réagir ? – Alors j’ai posé le magazine Cross Country et j’ai dit : Non, ça ne me fait pas du tout réagir. C’est parfait. Et pendant longtemps, je n’ai pas eu peur d’en parler. Ça m’a vraiment manqué parce que, comme tu le sais, Andrew, c’était devenu une partie intégrante de ma vie. On passait les mois d’été à nous balader dans notre van, à voler. La plupart de mes bons amis étaient parapentistes. Et donc pour moi, la première chose, c’est que ça m’a manqué. Ça m’a vraiment manqué. J’étais l’enfant qui rêvait de voler. Et je n’avais pas vraiment peur de revoler. Je voulais juste revoler. Même si je savais que je ne voulais pas revoler avec ma Zeno, j’ai vendu la Zeno avant même de quitter l’hôpital.
Personne n’a dit à Catherine qu’elle revolerait bientôt : « Tout le monde pensait, c’est bon, elle ne volera plus jamais. Du moins, en lisant entre les lignes, c’est l’impression que j’ai eue. Mais personne ne m’a jamais dit : – Oh, tu seras dans les airs en un rien de temps. – Personne. »
Les blessures de Catherine l’ont empêchée de voler pendant plusieurs mois. Le jour du premier anniversaire de son accident, elle a revolé, en soaring le long d’une falaise de Newhaven à Brighton.
« On dit que les os guérissent en trois à six mois, mais bien sûr, plus on vieillit, plus ça prend de temps. Alors je me suis dit : – Attends un an ! – Et je suppose que je voulais aussi marquer cet anniversaire avec quelque chose de positif. C’était une belle journée propice au vol. Ce n’était pas une journée de ouf, c’était juste une belle et douce journée à Newhaven. Je voulais vraiment le faire, j’étais vraiment contente de l’avoir fait, et je me sentais super bien. Après, je me suis dit : – Bon, ça y est. Je suis de retour dans le jeu. I’m back in the game – Il y a eu un moment, juste après le déco, soudain, j’ai chuté d’un mètre. Et il y a eu ce – hmm – soudain, et je me souviens de ça, et j’ai failli me chier dessus. Et puis je me suis dit : – Oh non, ça arrive tout le temps. Ce n’est pas grave. – Je ne voulais pas que mon accident devienne ce qui me résume. Je voulais tourner la page, et c’est comme ça que j’ai pensé pouvoir le faire. »
L’année suivante, Catherine et Garry sont allés en Colombie, avec des résultats mitigés.
« Ça peut paraître un peu brouillon, mais je pense que le corps a une certaine mémoire. Lors de mon premier décollage en Colombie, j’ai soudain commencé à me sentir nerveuse, je tremblais un peu et mon cœur battait très fort. Mon bassin, là où se trouvent toutes les pièces métalliques, me tiraillait. J’ai pris de grandes inspirations, et je me suis lâchée, puis j’ai atteint une hauteur convenable où je me sentais en sécurité. J’ai commencé à prendre des thermiques, et à mesure que j’enroulais, la mémoire musculaire s’est mise en marche, et je me suis calée. Je me suis dit : Oh oui, c’est comme que ça marche. C’est comme ça qu’on enroule les thermiques. Et soudain, je me suis sentie beaucoup plus calme.
Il y a eu des jours où je n’avais aucune envie de voler et où je me sentais à nouveau nerveuse, et d’autres où je décollais tout simplement et où je me sentais bien. Ça a toujours été très sporadique pour moi quand je revolais. Parfois, je me sens vraiment bien, et d’autres fois, non, et j’avais juste envie de descendre et j’étais très nerveuse. » Depuis, Catherine a beaucoup moins volé qu’avant l’accident. Ses blessures ne la gênent plus, mais le Covid, un nouveau chien et son travail lui ont pris beaucoup de temps. Elle est également plus prudente face à la surpopulation et aux conditions météorologiques difficiles.
« Depuis que j’ai arrêté de voler, j’ai remarqué que les gens volent maintenant dans des conditions beaucoup plus difficiles, avec des vents beaucoup plus forts. Je regarde 50 personnes dans le ciel et je me dis : “Vous êtes tous fous ?”. Je n’ai jamais volé dans des conditions aussi difficiles, et je ne vais certainement pas recommencer à voler dans ces conditions, alors je suis devenue beaucoup plus prudente. »
« J’AVAIS PROMIS D’ABANDONNER – MAIS SEULEMENT À MOI-MÊME »
Comme moi, David Williams pourrait être poliment décrit comme un pilote ordinaire. Nous volons tous les deux depuis de nombreuses années, pilotons tous les deux des ailes EN-B, et sommes tous les deux ravis plutôt que déçus lorsque nous ne parcourons que 50 km ou atteignons le goal dans une compétition amateurs, même si c’est à la 73e place.
En 2014, David s’est cassé la jambe en tentant un atterrissage au sommet lors d’une manche de l’Ozone Chabre Open. Il n’a pas perdu connaissance, mais n’a aucun souvenir des circonstances de l’accident. Il s’était déjà cassé les poignets. Ces incidents se résumaient à de simples chutes dans la pente, mais il s’était dit qu’un autre accident pourrait le forcer à arrêter de voler. « Je me suis dit que si j’avais un autre accident, j’abandonnerais. – Alors voilà. J’arrête. – Mais je me l’étais dit, pas à voix haute, surtout pas à ma femme, et encore moins sous forme de promesse. J’ai donc pu revenir sur cette décision sans trop de difficultés psychologiques ni de pression extérieure. »
Quelques semaines après sa convalescence, David a annoncé à sa femme qu’il ne revolerait pas. Elle lui a répondu : “Oh, mais tu aimes voler !” Et il a répondu : “Eh bien, non.” Alors il s’est dit : “Je ne sais pas si je veux abandonner, mais je suis sûr que je ne veux pas abandonner sur une note d’échec total, comme ce serait le cas » Il a donc fini par revoler et, bien sûr, s’y est remis à fond. David s’est complètement rétabli et ne pense pas que la peur soit plus problématique qu’avant sa blessure. Il ne pense pas non plus que son accident lui ait permis de mieux comprendre les risques. « J’ai vu tellement d’accidents, y compris des accidents mortels ou presque. Et bien sûr, on lit même que des athlètes de haut niveau sont décédés ou ont eu des accidents graves. C’est donc peut-être un facteur parmi d’autres. Je ne dirais pas que ça ait un effet significatif. »
Prend-t-il des précautions supplémentaires ? « Non, ce qui semble être une très mauvaise réponse, mais je ne pense pas, en partie parce que j’ignore la cause. Cela dit, je suis peut-être un peu plus prudent en approche, je garde de la vitesse, et peut-être que je suis un peu plus méfiant avec les atterros dans la pente, et que je préfère atterrir sur un terrain plat. »
« J’ÉTAIS PRÊT À TIRER UN TRAIT »
Frazer Wilson est un pilote expérimenté de cross et de compétition, qui a beaucoup volé sur des ailes EN-D. En 2017, il s’est crashé lors du British Open à Saint-André. Frazer n’a jamais perdu connaissance et se souvient parfaitement de l’incident. « L’aile était intacte. Ce n’était pas une fermeture, rien de violent. J’ai levé les yeux et je me suis dit : “Mon Dieu ! Que se passe-t-il ?” Bang ! C’était terminé. Et donc pouvoir y repenser ne me fait pas peur aujourd’hui. »
« Ma peur, c’est de manquer de discernement et de me retrouver dans une situation délicate, et c’est manifestement ce que j’avais fait. » Il a subi de multiples fractures et a dû attendre trois heures les secours, car son tracker satellite a envoyé un signal erroné et l’hélicoptère l’a d’abord dépassé. Entre-temps, Nick Warren, un pilote qui l’avait vu s’écraser, a atterri au fond de la vallée, a laissé son matériel et a gravi 800 mètres par 30 degrés pour rejoindre Frazer. Il est arrivé deux minutes avant l’hélicoptère.
« Je n’ai jamais ressenti un tel soulagement en voyant le visage d’un ami. Vraiment ! Nous avons pleuré tous les deux. Il m’a serré dans ses bras comme jamais. Je suis très ému maintenant, en revoyant le visage de Nick et en retrouvant ce contact humain. J’étais en radio toutes les cinq minutes, mais ce moment a été un immense soulagement. » Puis le médecin est arrivé et a dit : “Relaxe, Madame Morphine, est là.” »
Certaines blessures de Frazer n’ont pas été diagnostiquées immédiatement, et il a été opéré trois mois plus tard. « C’était atrocement douloureux, je suis resté sous morphine pendant assez longtemps, et cela a laissé des séquelles. J’ai des problèmes de mémoire à cause de la morphine synthétique, de l’Oxycontin et de l’Oxycodone. Et cela me fait presque plus peur que l’impact physique et la douleur. »
L’idée de revoler a immédiatement traversé l’esprit de Frazer. « Je savais que je voulais retrouver les sensations et la joie que je ressentais en volant. Mais d’autres personnes m’ont dit : “Tu dois te soigner. Tu dois aller mieux. Tu as eu de graves blessures. Tu es sous morphine. Ne te pose pas la question de savoir si tu vas revoler ou pas, car tu ne peux pas voler pour le moment. Bref, tu n’auras rien oublié. »
« Mais je n’étais pas prêt à voler si je n’allais pas vraiment apprécier le moment où je serais en l’air, ou au déco pour la première fois. J’espérais que j’apprécierais. Mais si j’étais vraiment inquiet, anxieux ou effrayé les premières fois, j’étais tout à fait prêt à dire, bon, ça suffit. J’étais honnêtement tout à fait prêt à tirer un trait et à vendre mon matériel. J’aurais probablement essayé deux ou trois fois, j’aurais peut-être même persévéré pendant deux mois. Mais je voulais me conditionner à l’avance pour me dire que si ce n’est le pied, ne recommence pas. Ça ne serait pas juste pour ta famille ni pour toi, d’ailleurs. »
Frazer a reçu un appel d’un autre pilote qui avait traversé une épreuve – Guy Anderson, dont le récit épique de survie dans les étendues sauvages de l’Utah après un accident pendant la Coupe du monde de parapente en 2012 est familier aux lecteurs de longue date de Cross Country. Guy m’a dit : “Tu as choisi de faire ça. Alors réfléchis aux raisons qui te poussent à le faire et à ce que ça vaut. Mais tu peux absolument en ressortir meilleur pilote et plus sûr que la veille de ton accident.” Et ça m’est resté en mémoire.”
Huit mois après son accident, Frazer a décidé qu’il était physiquement capable de piloter une aile, mais il a d’abord choisi de ne pas voler n’importe quand. “Je voulais contrôler mes envies précédentes qui me poussaient à voler dès que ça volait. Finalement, je suis monté au déco à la fin de ce qui avait été une bonne journée pour les autres. Vers 19 heures, mi-mai. Je suis arrivé au sommet et c’était normal d’être là.
J’avais des papillons dans le ventre, mais je me suis dit : Bon, c’est normal, c’est ton corps qui te dit de te préparer à faire quelque chose qu’il ne devrait pas faire naturellement, finalement, j’ai passé une heure et demie agréable dans les airs. » Frazer a ensuite réalisé sa meilleure saison, avec notamment un record personnel de 183 km. « Je ne me forçais pas à décoller alors que je n’en avais pas envie. J’y allais doucement. Je ne cherchais rien à prouver. J’essayais juste de retrouver le plaisir de voler. Je ne suis pas stressé à l’idée d’atterrir. »
Récemment, Frazer a participé au British Open, exactement sept ans après son accident. « J’ai fait une grosse frontale accéléré à fond avec ma le Photon, je l’ai contrée aux freins violemment, et elle s’est rouverte trois secondes plus tard et je me suis dit, eh bien, c’était un peu nerveux. Comment je me sens ? Je peux continuer. Oui, je peux continuer. Mais il m’est arrivé d’atterrir plus tôt que les autres, simplement parce que je ne me sentais pas vraiment prêt ce jour-là, ou parce que j’avais fait un bon vol, que j’étais allé assez loin. Je ne suis plus le même. Ce n’est pas comme ça que je volais avant l’accident. »
Sa femme Sophie était avec lui à Saint-André cette fois-ci. Elle est arrivée et m’a dit : “J’adore faire partie de ce groupe, et je comprends maintenant pourquoi tu y es si attachée.” Et j’ai répondu oui, et je veux être avec ce même groupe quand j’aurai plus de 80 ans. Je veux avoir des histoires à raconter.”
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